D’ici 2030, la France pourrait manquer d’1,5 million de salariés dont les compétences correspondent aux besoins réels des entreprises (Korn Ferry, 2018). À ce titre notamment, la génération dite « Z » cristallise aujourd’hui l’attention des employeurs qui voient en cette jeune génération un élément essentiel dans le maintien de la compétitivité des entreprises dans un monde qui se digitalise.
Cette situation place naturellement le recruteur au centre du jeu. D’un « chasseur de têtes », il est devenu un « lettré du numérique » (Cousserand-Blin & Pinède, 2018, p. 12) qui doit savoir « entrer en compréhension » (Marchal E., 1999, p. 43) avec les jeunes professionnels.
Or dans la pratique, le recruteur reste, par nature, dans la recherche de dissonances en termes de compétences, d’expériences, de crédibilité. Alors que cette génération est en quête de sens, agit avec passion, expérimente et revendique le droit à l’erreur, le recruteur, par nature autant qu’habitudes professionnelles, reste focalisé sur un « idéal type du recruté »et à ce titre, reste en superficie d’une relation majoritairement unilatérale.
Cet élément nous interpelle : cette posture « haute » de mise en tension de la relation, ne serait-elle pas aujourd’hui le principal talon d’Achille du recruteur qui expliquerait, en partie, sa relative incapacité à réussir à attirer et intégrer la génération Z au sein des entreprises ? Ne serait-il pas opportun que le recruteur « moderne » s’affranchisse de ce carcan idéologique ?
Le moment semble ainsi venu, pour le recruteur d’enfin -oser- opérer sa mue, en adoptant une posture capable de réinvestir la relation, et de faire écho aux attentes de la jeune génération, et ainsi poser les fondements d’une relation candidat / recruteur renouvelée.
Allez, ne tournons pas autour du pot, lançons-nous : Et si le recruteur osait s’inspirer de la posture de coach ?
En adoptant une attitude réflexive et bienveillante, le recruteur permettrait au candidat de devenir enfin acteur de son propre changement. En pratique, cela oblige le recruteur à s’éloigner des réflexes conditionnés par des années de pratique standardisée (et ce possible ?) et l’invite à opérer plusieurs ajustements – et non des moindres – :
- Passer d’un entretien directif à un entretien non-directif, à même de laisser le candidat exprimer ses attentes, souhaits, besoins, etc. ;
- Passer d’une position haute (souvent unidirectionnelle ou perçu comme autoritaire) à une position d’écoute active ou position basse, seule à même d’établir (ou de favoriser) le lien ;
- Revoir sa relation au temps : le temps du processus de recrutement est aujourd’hui perçu comme un temps court, propre à nos économies capitalistes et potentialisé par la digitalisation. En adoptant une posture de coach, le recruteur accepte une échelle de temps plus longue, s’établissant sur l’ensemble de sa relation avec le candidat (de la première rencontre à son suivi dans l’entreprise sur plusieurs mois) ;
- Ce qui précède implique de continuer à penser l’efficacité mais de manière différente : l’échec ou la réussite d’un recrutement n’est plus de trouver le bon candidat pour le bon poste, mais d’accompagner un candidat dans la direction professionnelle qu’il aura lui-même choisi ;
- La mesure de l’efficacité ne s’effectue plus sur un « poste à pourvoir », mais sur la pérennité de l’intégration du candidat dans un poste, son bien-être, etc.
Loin de poser un regard idéaliste sur la posture de coach en entretien de recrutement (se pose notamment la question de l’instrumentalisation de la posture de coach !) la réflexion nous paraît mériter le débat. Pourquoi ? Afin de porter -enfin- la fonction de « recruteur » à la hauteur des enjeux actuels : recapitaliser sur le dialogue avec la jeune génération afin de mieux l’intégrer dans nos entreprises.
Car oui : réussir à recruter et intégrer de façon pérenne en entreprise, c’est être aujourd’hui conscient des limites de sa propre pratique de recruteurs pour la porter à la hauteur des enjeux humains (attraction, fidélisation, bien-être, etc.) et économique (compétitivité). L’observation nous a montré que l’équation classique visant à attirer les meilleurs candidats, dans les meilleures conditions, pour la meilleure société, n’est plus lisible en l’état au travers du CV et des techniques traditionnelles d’entretien. Face à une jeune génération passionnée, agissante, en quête de sens, privilégiant l’interaction directe, il semble à présent primordial que le recruteur modifie sa grille de lecture du réel.
Claude R.